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Ingénieurs et Scientifiques de France réagit et donne sa position sur l'accident nucléaire survenu au Japon

LA BAGUE DE PROMETHEE
La série d’accidents graves qui a endommagé une partie des équipements de la centrale nucléaire de Fukushima à la suite du tsunami, est évidemment préoccupante pour tout observateur. Et nos esprits nourris de mythologie ne peuvent manquer d’évoquer Prométhée condamné par les dieux à être enchaîné à un rocher où un aigle venait lui dévorer chaque jour les entrailles, pour le punir de leur avoir dérobé le feu du soleil…
Il est parfaitement légitime que les Français soient très attentifs à cette catastrophe, en raison de l’importance du parc nucléaire de notre pays, et cela malgré la grande différence de risque sismique entre le Japon et la France. Regrettons toutefois qu’avant même que ne soient disponibles les tout premiers éléments d’information précis, des oppositions de principe à l’énergie nucléaire soient exprimées avec vigueur par d’aucuns qui cherchent, dans la précipitation et l’émotion, à remettre profondément en cause la politique nucléaire de notre pays. Il faut savoir raison garder en évitant de succomber à des impulsions irrationnelles : ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. La situation est certes grave, mais elle doit d’abord nous conduire à réfléchir sur la sécurité des centrales nucléaires, sur notre politique énergétique globale, et sur la priorité à donner à l’efficacité énergétique.
Il est indispensable qu’un examen de retour de crise associant différents pays soit réalisé sans tarder pour tirer les enseignements de ce très grave accident : les défaillances en chaîne apparues dans une installation aussi complexe qu’une centrale nucléaire (questions de circuits de refroidissement, de fuites d’hydrogène, de dispositifs de secours en mode dégradé) doivent faire l’objet d’une analyse à froid sans concession, à approfondir en toute transparence avec les autorités japonaises, l’AIEA et les autres organismes scientifiques compétents. Cette analyse sérieuse prendra forcément du temps, mais quelques mois devraient sans doute suffire pour en dégager les premières conclusions, comme ce fut le cas en son temps après l’accident de Three Miles Island.
Il va falloir auditer la sûreté des installations nucléaires à la lumière des enseignements recueillis, et améliorer leurs dispositifs de sécurité et leurs processus d’intervention en cas d’incident, comme c’est le cas après chaque accident grave dans l’industrie ou le transport. Il s’ensuivra un renforcement des contrôles, ainsi que de la réglementation de prévention des risques, de protection de l’environnement. Toutes les centrales nucléaires, existantes ou en construction, vont donc voir leur sécurité renforcée, y compris le parc français. La contrepartie de ce surcroît de sécurité sera sans doute un accroissement sensible des charges d’investissement et d’exploitation.
Concernant la politique énergétique publique de la France, évitons là aussi de tirer des conclusions hâtives. La « sortie du nucléaire » que  préconisent certains à grand bruit, ne peut être sérieusement envisagée sans un véritable débat public, fondé sur des études approfondies prenant en compte simultanément l’ensemble des facteurs sécuritaires, environnementaux, technologiques, sociaux, et bien sûr économiques et géopolitiques.
Tout le monde s’accorde à souhaiter que les énergies renouvelables se développent largement en France. Il faudra pourtant bien s’en tenir à leur domaine de pertinence technique et économique : toute solution de substitution au nucléaire par des énergies intermittentes n’est envisageable à l’horizon visible que combinée à des centrales thermiques. Cela doit nous conduire à développer en priorité des énergies renouvelables permettant une production continue, comme la biomasse et la géothermie. Chaque type d’énergie possède à la fois des atouts dont il faut tenter de tirer bénéfice et des inconvénients qu’il faut tâcher de limiter. La voie de la sagesse est donc de maintenir un mix énergétique diversifié garantissant nos objectifs nationaux de sécurité d’approvisionnement, tout en maîtrisant nos coûts énergétiques et en limitant les émissions de gaz à effet de serre.
La priorité immédiate, et de loin la plus importante, est l’efficacité énergétique, en particulier dans les secteurs du bâtiment et du transport. « La meilleure des énergies, la moins chère et la moins polluante, c’est celle que l’on ne consomme pas ». Une demande d’énergie mieux maîtrisée grâce à un souci constant d’efficacité énergétique se traduira par moins d’investissements en moyens de production et de transport d’énergie, par moins de dépenses énergétiques pour les consommateurs, qu’il s’agisse de particuliers, d’industriels ou de l’Etat, et par une émission moindre de polluants et de gaz à effet de serre.
Il est vrai que les actions permettant de réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments existants ou neufs, dans les transports individuels ou collectifs, et dans les processus industriels, offrent souvent bien moins de visibilité médiatique que les énormes moyens nécessités par les infrastructures et la production énergétiques. Elles n’en sont pas moins essentielles, et vont requérir toute la compétence et le savoir-faire dont sont capables les ingénieurs et scientifiques de France.
La légende de Prométhée finit bien, car il fut délivré par Hercule. Mais il dut porter sa vie durant une bague de fer provenant de ses chaînes avec un morceau de son rocher. Pour se souvenir des leçons à tirer de l’évènement. Tirons-en notre propre leçon…

Julien Roitman, Président d’Ingénieurs et Scientifiques de France avec Jean-Claude Boncorps, Président du comité Energie d’IESF

Ingénieurs et Scientifiques de France
Organisé en fédération, Ingénieurs et Scientifiques de France rassemble 850.000 ingénieurs et scientifiques à travers 116 associations d’anciens élèves des écoles d’ingénieurs, 22 associations scientifiques, techniques et professionnelles, un réseau de 25 associations régionales et de 9 sections internationales.

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